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Catégorie :

Pratique de la copropriété

Date :

Le chauffage collectif en copropriété

L’actu immobilière ET VOUS !

Numéro 130 • Mai 2022

Article de Xavier Martin, administrateur de bien et gérant de MARTIN GESTION

« Le chauffage collectif est l’un des services en copropriété des plus délicats à administrer. Comment détermine-t-on la date d’ouverture et de fermeture du chauffage. Existe-t-il des dates obligatoires ? Qui décide ? Quelles sont les niveaux de température à atteindre dans chaque logement, qui décide de la température dans les logements ? Peut-on chauffer plus responsable ? Comment se répercute les charges de chauffage sur les copropriétaires, quel bilan de l’individualisation des frais de chauffage ? Eclairage. »

Xavier Martin administrateur de bien et juriste

Ce sont des questions sensibles dans la collectivité des copropriétaires

En effet la gestion des équipements collectifs qui lui sont dédiés (chaudière collective, plancher chauffant, pompe à chaleur, géothermie etc.…) engage des conséquences directement à l’intérieur des logements, c’est-à dire dans les parties privatives.
La copropriété s’invite en quelques sortes dans le salon, dans les chambres à coucher, dans le confort individuel de chacun, et il y aura autant de sensibilité, de questions ou d’exigences, qu’il y aura d’occupants dans l’immeuble.

L’enjeu budgétaire est d’importance, compte tenu du coût de la maintenance des installations et des consommations d’énergie. Le tout représente une part importante du budget de la copropriété, et par là même un poste important de charge pour l’utilisateur final : le copropriétaire. 

Le coût moyen pour la chauffe d’un T3 peut être estimé à 414 € de charge annuelle1  (part consommation et maintenance) et pour un T4 à 565 € (part consommation et maintenance).


La situation économique se trouve aggravée par la guerre en Ukraine. Les sanctions engagées contre la Russie alors qu’elle fournissait près de 40 % du gaz à l’Union européenne en 2021, font craindre l’envolée des prix du tarif du gaz. 

Même si le gouvernement déploie des mesures compensatoires à l’augmentation du prix des hydrocarbures, telles que le « Bouclier Tarifaire » qui bloque le prix du gaz et limite la hausse de celui de l’électricité ou encore le Chèque Energie, l’aide exceptionnelle de 100 euros pour les ménages bénéficiant du Chèque Energie, on peut se demander s’il sera possible de maintenir encore longtemps la situation.

Enfin l’ensemble des mesures destinées à lutter contre l’émission des gaz à effet de serre, notamment celles ayant pour objectif de retirer progressivement du marché de la location les biens les plus énergivores étiquetés F où G dans les DPE, ou encore l’arrivée progressive des DPE collectifs entraînent d’importants changements dans le marché immobilier. La question énergétique devient et deviendra toujours plus importante dans la détermination des prix de l’immobilier.

La copropriété doit d’autant plus finement gérer ce poste de charge, et bien répondre aux questions qu’il engage.

1 Relevé sur une copropriété Achille Viadieu de 60 logements situés à Toulouse, chauffage chaudière collective Gaz avec répartiteur de chaleurs

Les dates d’ouverture et de fermeture du chauffage

Les textes ne prévoient pas de dates impératives pour allumer ou couper un chauffage collectif.
Par conséquent, il faut se référer, si elles existent, aux dates définies dans le règlement de copropriété. A défaut la période de chauffe devra être fixée par décision prise en assemblée générale de copropriété. Cette décision relève d’une majorité prise à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965.
Les dates habituellement retenues sont celles du 15 octobre pour l’allumage et du 15 avril pour la fermeture. Il conviendra d’indiquer la date dans le contrat de maintenance de l’entreprise en charge de l’entretien de l’installation.
Afin de s’adapter au mieux aux particularités climatiques, et variations de chaque saison, il est conseillé de faire voter une délégation au conseil syndical lui permettant de décider plus rapidement de l’ajustement de ces dates.

S’agissant de décisions de l’assemblée générale portant sur les conditions d’occupation de l’immeuble elles doivent être affichées dans les parties communes de manière à informer tous les occupants

Quelles sont les niveaux de température à atteindre dans chaque logement

Augmenter la température de 1° Celsius entraîne une hausse importante de la consommation. En moyenne 7 % supplémentaires sur la facture. Il sera donc très important pour la copropriété de bien réguler cette notion.


La notion de température est définie dans le Code de l’énergie.
C’est un premier point important car cette notion peut varier selon la méthode avec laquelle on la mesure. Le décret numéro 2015–1823 du 30 décembre 2015 a créé l’article R241-25 qui définit la température moyenne d’un logement comme étant la température de l’air mesurée au centre de la pièce à 1,50 m du sol en pondérant la température de chaque pièce par son volume. 

La maitrise de l’énergie : des températures maximales

Des dispositions s’appliquent aux contrats d’exploitation de chauffage. Ainsi le Code de l’énergie définit des limites supérieures de température de chauffage fixées en moyenne à 19°C pour un logement en période d’occupation (article R.241-26). Pendant les périodes d’inoccupation d’une durée entre 24 et 48h, les limites sont fixées à 16° C et lorsque la durée d’inoccupation est supérieure à 48 heures, la limite est fixée à 8° C (article R.2141–27 Code de l’énergie) 

Une réponse ministérielle du 24/03/2022 est venue confirmer cette température maximale dans les bâtiments résidentiels et tertiaires, précisant que le Gouvernement mobilise des ressources budgétaires conséquentes pour soutenir les travaux de rénovation énergétique des résidences principales, notamment en direction des ménages modestes et très modestes propriétaires occupants de leurs logements

Le confort dans les logements : des températures minimales

Il n’existe pas véritablement en copropriété de texte qui impose une température minimale en dessous de laquelle un copropriétaire pourrait former une réclamation.

Le raisonnement consiste à responsabiliser la copropriété sur son obligation d’entretien et de bon fonctionnement de ses éléments d’équipements.

S’agissant des installations de chauffage une norme existe dans le Code de la construction et de l’habitation, elle dispose à l’article R 171–11 que le logement d’habitation doit pouvoir être chauffé avec un équipement de chauffage permettant de maintenir à 18° la température au centre de la pièce. Cette norme de construction s’applique aux immeubles construits après le 1er juin 2001 (date permis de construire). Pour les immeubles plus anciens, en cas de litige et si le dialogue et les résultats techniques n’aboutissaient pas, alors le juge déterminerait selon son appréciation des faits la bonne température minimale. 

Consommer responsable : les charges de chauffage et les copropriétaires.

La loi de transition énergétique (loi n°2015-992 du 17 août 2015), puis le décret du 22 mai 2019 ont progressivement obligé les immeubles collectifs d’habitation ou mixtes les plus « énergivores », à se pourvoir de compteurs individuels d’énergie thermique permettant de déterminer la quantité de chaleur fournie à chaque local occupé à titre privatif et ainsi d’individualiser les frais de chauffage collectif.

Cette obligation est étendue dorénavant à toutes les copropriétés d’habitation ou mixtes dont la consommation en chauffage dépasse plus de 120 KWh par m²/an. La date buttoir ayant été fixée au 25 octobre 2020.

L’amende encourue en cas de manquement à l’obligation peut être de 1500 € maximum par an et par logement jusqu’à accomplissement de cette obligation.

Ces travaux sont votés par l’assemblée générale à la majorité absolue. 

Il existe deux technologies : les compteurs individuels d’énergie thermique et les répartiteurs de frais de chauffage qui sont une alternative autorisée depuis la loi ELAN.

Les compteurs d’énergie thermique sont placés à l’entrée du logement alors que les répartiteurs électroniques sont placés sur chaque radiateur.

Dans tous les cas, les relevés doivent pouvoir se faire par télé-relevé c’est-à-dire par l’extérieur du logement. Aussi des thermostats d’ambiance permettent de réguler la température et d’en programmer les réglages selon des plages horaires.

Dérogations et assouplissement à la règle

Les textes prévoient des possibles aménagements à la règle, dans les cas où l’installation est techniquement impossible ou si le coût est excessif au regard des économies attendues.

Les exceptions doivent s’entendre alors de façon hiérarchisée : 

-L’obligation première est l’installation des compteurs individuels

-L’exception concerne le cas techniquement impossible ou pas rentable.

-La dérogation est le choix secondaire des répartiteurs de frais de chauffage

-L’exception à la dérogation : identique à celles des compteurs individuels.

Répartition des charges de chauffage

On distingue 3 niveaux de facturation :

  • Les frais individuels de consommation d’énergie.

Avec l’individualisation, les charges se répartissent en fonction de l’utilisation que chacun fait du chauffage. Il y a une réelle responsabilisation des occupants. Ceux qui consomment le plus paient davantage, ce qui est facteur d’économies d’énergie.

  • Les frais communs liés à la maintenance des installations.

Ils sont répartis dans les conditions fixées par le règlement de copropriété. En principe il existe des tantièmes dit « de Chauffage ». Ces frais concernent l’entretien des installations de chauffage et les frais relatifs à l’utilisation d’énergie électrique (ou éventuellement d’autres formes d’énergie) pour le fonctionnement des appareillages, notamment les instruments de régulation, les pompes, les brûleurs et les ventilateurs.

  • Les frais communs de consommation d’énergie.

Une part de l’énergie peut être considérée comme profitant à la collectivité. Le raisonnement consiste à prendre globalement en charge la consommation d’énergie liée d’une part à ce qui profite en partie commune, et d’autre part à ce qui profite indirectement aux copropriétaires.
Par exemple : un copropriétaire qui ne chaufferait pas son logement et qui bénéficierait de l’apport de chaleur par communication des logements voisins (en dessous, au-dessus, ou aux côtés du sien) doit aussi contribuer à la dépense énergétique.
Le décret n° 2012-545 du 23 avril 2012, relatif à la répartition des frais de chauffage dans les immeubles collectifs, prévoit que l’assemblée générale puisse décider d’un correctif en déterminant un coefficient de 30 % applicable à la consommation totale d’énergie qui restera donc en charge commune. 

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Plus que jamais la dépense énergétique doit être bien maîtrisée, et les règles bien comprises au sein de la copropriété. Il demeure que bien régler le niveau de température, le démarrage ou la fin de la période de chauffe, la répartition des charges, sont des outils d’affinement et du quotidien très importants.
Au-delà de ces paramètres, il faut rappeler que l’isolation thermique des immeubles, les déperditions d’énergie, les ventilation, sont des paramètres tout aussi cruciaux à bien étudier dans la copropriété.
Nul doute que l’établissement des DPE collectifs (obligatoires à compter du 1er janvier 2024 pour les copropriétés de 200 lots, puis 1er janvier 2025 pour les copropriétés de 50 à 200 lots, et 1er janvier 2026 pour les moins de 50 lots) apportera en copropriété un repère et probablement un déclenchement à l’étude et mise en œuvre de travaux d’amélioration énergétique.